Publié dans le bulletin des Amis du Vieux Saint-Claude n° 18 - 1995
en vente au siège social : Archives municipales - Hôtel de ville 32, rue du Pré - BP 123 - 39200 Saint-Claude cedex.
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Avant
L’incendie...
INT
Autrefois,
pour aller de Saint Claude au hameau de
Vaucluse, on empruntait le chemin actuellement dénommé “route forestière
Tres- Bayard à Vaucluse”. A Très-Bayard
on voit, encore aujourd’hui, les restes de fours à chaux(près des maisons)
et la base du four de tuilerie de Monsieur M. Roy (datant de 1844). Contre le
mur d’une maison on peut encore lire “usine de Très-Bayard”.
A
cette époque la tuilerie donnait du travail à 13 ouvriers, 2 femmes et trois
enfants. J’y ai retrouvé des tuiles marquées”garantie 3 ans - Roy”
fours à chaux tuiles Roy poterie
Cinq
mètres plus loin, on longe les ruines de la Fraite. Le long du chemin il y a
des restes de déchets d’une ancienne poterie. Il y a aussi des rebuts de
cuisson de pots. Nous ne savons pas grand chose sur cette poterie. Seul le Général
Vautrey en parle dans le compte rendu d’une conférence qu’il a fait Aux
Amis du Vieux Saint Claude en :”La vie du canton il y a 150 ans.
“La
poterie était installée à 200 m de la tuilerie, du côté de Saint Claude et
ne comptait qu’un seul ouvrier, qui pouvait faire 300 à 400 pots par jour.
l’ouvrier façonnait la glaise avec les doigts sur son tour, et lui donnait la
forme du futur objet: assiette, pot, etc... Les anses et les becs se plaçaient
à part lorsque la terre avait un peu plus de consistance. Après avoir séché
pendant 8 jours, le pot était enduit d’une couche de vernis fait avec de la
mine de plomb (interdite aujourd’hui par suite de la nocivité du plomb) et un
peu de terre de Bresse, puis chauffé pendant 24 heures au four.
Les
pots se vendaient à Saint Claude de 15 à 60 centimes suivant leurs dimension,
leur forme, le soin apporté à la confection.”
Une
seule autre mention en est faite dans Faïence et faïencerie de Franche-Comté,
L. et S. de Buyer,1983:”Saint Claude (jura). En 1797, Thériot quitta sa faïencerie
pour assurer la direction de la faïencerie de la Forest”.
La
beauté et la qualité des débris retrouvés nous font supposer qu’il y avait
là une entreprise importante.
En
continuant le chemin nous arrivons sur l’emplacement du four de la tuilerie
Mollard qui a fonctionné de 1809 à 1860. Voir article plus complet dans le
bulletin n° 14, 1991, des Amis du
Vieux Saint Claude. Le four a été totalement détruit par un bulldozer.
plan du four ferme de la Rosière meule
Plus
loin sur le côté droit, il y a les ruines de la ferme de la Rosière. C’est
non loin de cette ferme qu’était tirée l’argile nécessaire aux tuileries
et poterie.
Ensuite,
nous arrivons au ruisseau de l’ Abîme, où en 1983, on pouvait encore voir
les restes d’une meule cylindrique dans le lit du ruisseau. elle à maintenant
disparu sous les roues des tracteurs forestiers.
De
l’autre côté du ruisseau, on peut voir des restes de murs; probablement
l’ancien moulin. Cette parcelle, dans le cadastre est dénommée: les
cylindres.
Dix
mètres plus bas, en longeant le ruisseau, nous arrivons à la retenue qui
alimente la scierie. Le barrage est fait de troncs d’arbres empilés les uns
sur les autres. Sur la gauche il a une petite écluse d’où débute l’arrivoir
qui mène à la scierie. Cet arrivoir est creusé dans le talus. La
construction n’a nécessité aucun matériau extérieur, à l'exception des 10
derniers mètres avant la scierie construits en bois et recouverts de tôle..
Après
l’incendie, j’ai pu faire une coupe et un plan de la scierie et des
installations de mémoire et à l’aide des photos que j’avais prises
auparavant.
La
scierie présente trois étages. Elle mesure 15 mètres de long, 10 mètres de
large et 12 mètres de hauteur.
L’étage
inférieur contient la roue à augets et les engrenages. Deux murs sont
construits en pierres, un en planches et le quatrième est constitué par le
rocher.
Le
deuxième étage est la chambre à sciure. Il est très étroit et bas de
plafond. Les murs sont faits de planches saut celui qui repose sur le rocher.
coupe plan 3ème étage plan 1ier étage
Il existe des plans et des coupes avec des légendes. Me contacter.
Le
troisième étage est l’atelier de sciage. Il y a un châssis vertical, une
scie circulaire, un établi d’affûtage avec une meule et les outils et une
petite pièce de 2 mètres par 3 mètres ( la seule chauffée).
roue en marche châssis perche de mise en route arbre à came du châssis
Une
des particularités de cette scierie est qu’il suffit d’une seule personne
pour la faire fonctionner. La liaison entre l’atelier et les engrenages
(machinerie) se fait par 5 perches en bois de 5 à 6 mètres de haut arrivant
toutes au niveau du châssis vertical. En manoeuvrant ces perches, le scieur
peut mettre en marche et arrêter la scierie avec une précision étonnante.
Les
5 perches:
la perche A actionne le mouvement de va et vient des lames du châssis
la perche B actionne la biellette laquelle actionne les rouleaux dentelés
qui font avancer les billes de bois
la perche C correspond à l’embrayage, elle permet de faire passer la
courroie de la poulie folle à la poulie fixe. Cette dernière entraîne la
bielle et le vilebrequin.
la perche D est le frein qui arrête le mouvement du vilebrequin et de la
bielle quand la courroie est sur la poulie folle.
la perche E est celle qui permet d’ouvrir la trappe de l’arrivoir qui
amène l’eau sur la roue à augets.
MISE
EN MARCHE ET ARRET DE LA SCIERIE
- préparation des billes de bois: nettoyage de la terre et
des cailloux, écorçage.
-
réglage du châssis et de la largeur des lames avec des cales en bois.
-
mise en place des billes sur le chariot.
-
déplacement jusqu’à la retenue pour ouvrir la vanne permettant à l’eau de
s’écouler dans l’arrivoir.
-
retour à l’atelier près du châssis.
-
fermeture de la trappe (perche E). L’eau commence à entraîner la roue à
augets.
-
manoeuvre de la perche C (embrayage de la poulie folle à la poulie fixe) , mise
en mouvement du châssis.
-
le réglage de l’avance de la bille se fait au niveau de la bielle par un mécanisme
appelé le chien qui permet d’accentuer ou de diminuer le mouvement de
va-et-vient.
-
pendant le sciage de la bille les réglages se font à l’oeil et surtout à
l’oreille. Il faut être très attentif car
il ne faut pas que le mécanisme s’emballe: le moindre incident provoque la
casse d’une partie d’un engrenage fait
d’une roue comportant 380 dents en bois (chêne).
Dès
qu’il reste une vingtaine de centimètres de sciage, il faut commencer à
ralentir le mécanisme en ouvrant par
la perche E la trappe d’arrivée d’eau.
-
par la perche C passage de la courroie de la poulie fixe sur la poulie folle.
-
mise en action du frein par la perche D.
-les
mouvements de la scie diminuent petit à petit. Le scieur connaît tellement
bien sa machine que la scie s’immobilise à l’instant même où les dents
des lames sortent de la bille sciée.
Aujourd’hui, la roue de la scierie est toujours en place.
Scierie après l'incendie Reste des rouages
J’ai
écrit cet article et choisi ces photos pour que ce savoir faire reste plus
longtemps dans la mémoire collective des hauts jurassiens.
La machine, l'homme et le chien.
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