La grotte des Foules
Robert LE PENNEC
Saint-Claude, Jura.
Selunca n'14 – avril-mai-juin 1984
La grotte des Foules, proche
de Saint-Claude, attire depuis longtemps les spéléologues locaux. Plusieurs
groupes travaillent actuellement sur la cavité, et le présent article est une
synthèse de ces travaux. La partie descriptive de la cavité, pour ce qui
concerne le réseau «classique», est l’œuvre de Robert Le Pennec, de l'A.S. de
St-Claude, tandis que la partie consacrée à l'escalade des << Cheminées
du Vent >> est due à D. Guyetand, du
SC San-Claudien. Les paragraphes «accès», «historique», «description» et
«remarques» sont, réactualisés, empruntés avec leur aimable autorisation à Yves
Aucant et Jean-Claude Frachon, extraits de leur ouvrage : «Spéléo Sportive dans
le Jura Franc-Comtois».
Robert LE PENNEC Association spéléologique de Saint‑Claude
11 rue du Belvédère 39200 SAINT‑CLAUDE
Jadis le Cirque des Foules
résonnait aux battements des moulins à foulon, sorte d'argile destinée à
dégraisser les étoffes et les pièces de drap. Seul le toponyme garde
aujourd'hui le souvenir de cette activité. Plusieurs cavités s'ouvrent dans le
cirque, la principale étant appelée grotte des Foules par J. Colin, ou grande
grotte des Foules.
HISTORIQUE
Les galeries
d'entrée sont sans doute connues depuis le Moyen age (1). Les premières
explorations sérieuses furent menées par E. Renauld en 1895, puis par M.
Meynier en 1904, qui reconnurent près d'un kilomètre. En 1941, P. WEITE en lève
un plan et débute l'ascension des galeries hautes. Le développement atteint
alors 1500m pour 132m de dénivellation (‑92/ + 40). A partir de 1947, le
SC San‑Claudien reprend l'exploration systématique du réseau, sous
l'impulsion de J. Colin. En 1959, le développement connu est d'environ 4000m
pour 222m de dénivellation (‑92/ + 130).
Aucune
découverte notable pendant 15 ans, jusqu'à ce que Robert Le Pennec entreprenne
des levés topo précis, en 1975, et découvre avec le SC San‑Claudien une
série de puits et de boyaux conduisant au pied de la Cheminée du Vent. En 1981,
1982 et 1983, D. Guyetand, F. Jacquier et le SC San‑Claudien réalisent
l'escalade de cette cheminée jusqu'à +263m, elle continue au-delà. Dans le même
temps, R. Le Pennec et l'A.S. Saint‑Claude effectuent la plongée de
divers siphons, sans découvrir de prolongements importants.
Lors de
violentes crues, l'entrée de la grotte des Foules siphonne. Photo ASSC.
ACCÈS
La grotte des
Foules s'ouvre dans la commune de Saint‑Claude, aux coordonnées X 873,710
; Y 159,160 ; Z 683m. (Carte IGN au 1/25 000 Saint‑Claude 1‑2).
A St‑Claude,
prendre la route de Genève sur deux kilomètres( D 436, Carte Michelin n'70, pli
15). Entre Rochefort et l'Essart, juste avant le pont du torrent des Foules,
prendre à gauche le chemin longeant la rive droite du ruisseau. Prendre à
droite au premier carrefour, passer un pont en bois, puis prendre à gauche au
carrefour suivant un mauvais chemin, qui s'élève en lacets. Le suivre sur 1500
m environ, en prenant à droite aux divers carrefours, jusqu'au dernier lacet
important à gauche. Repérer alors un sentier qui s'amorce à droite. D'abord
descendant, puis montant en obliquant vers le cirque des Foules, il conduit à
la grotte, à 400m du chemin, au sommet d'un lit de torrent temporaire.
DESCRIPTION
La grotte des
Foules développe actuellement 5277m (2) de galeries, pour une dénivellation de
355 m (‑92/ + 263).
Cette grotte
est complexe, et nous n'en décrivons que les axes principaux. La galerie
d'entrée, basse et déclive, mène à une série de diaclases coupées d'un R4
(Petit Puits), qui aboutit à 210m de l'entrée à un puits de 8 mètres, équipé
d'une échelle fixe, suivi d'une très forte pente d'éboulis («Les Grands
Puits»). On arrive à ‑79m dans une petite salle traversée par un torrent.
Il faut remonter celui-ci sur 20m, puis le traverser pour prendre, tout droit, la
galerie ascendante des «Marmites» (baptisée A). Deux cents mètres plus loin,
cette galerie se ramifie : il faut passer au plus évident, en parcourant
notamment la «Galerie d'Eau», où l'on franchit un long plan d'eau.
Au‑delà,
un ensemble de diaclases amène à une Grande Salle fracturée (500m de l'entrée,
cote +8m), où l'on doit escalader un éboulis. Cent mètres en amont, on arrive à
la «Salle à Manger» (+23m), dont le sol est occupé par un bloc caractéristique
de forme tabulaire.
Tout droit, un
lacis de boyaux conduit à un ensemble de siphons, dont le plus éloigné est à
850m de l'entrée (cote + 1 m). A gauche, dans la paroi de la Salle à Manger,
s'ouvre une galerie ascendante dite «Cheminée de la Varape» que l'on peut
remonter aisément sur 40m de dénivellation. Puis, une série de ressauts (9,
12, 10 et 5 mètres) impose l'escalade artificielle. Au sommet (+ 106m), un
boyau d'une centaine de mètres passe au pied de la courte cheminée qui
constituait jusqu'en 1980 le point haut de la cavité (+ 130m). On débouche
alors sur une série de puits de 7, 12 et 15 mètres. A la cote +55m s'amorce
l'escalade de la «Cheminée du Vent», décrite par ailleurs.
On accède à
cette cheminée plus aisément par une série de boyaux sableux s'amorçant dans la
galerie principale entre la «Grande Salle» et la «Salle à Manger», à 40m de
cette dernière, à gauche. On rampe dans un conduit ascendant sur 20m ; on
délaisse un départ à gauche et on cherche, 20m plus loin à droite, un passage
en chatière sous une trémie. Au-delà, 80m de galerie basse conduisent à une
escalade en diaclase de 4m, suivie d'un boyau ascendant et d'une nouvelle varappe
de 4m. Des passages bas et une chatière aboutissent finalement à une escalade
de 3 m qui permet d'accéder à une petite abside : de là, un puits de 4 m
rejoint le point précédemment évoqué, base de la «Cheminée du Vent» (700m à
«vol d'oiseau» de l'entrée, cote + 45 m).
En voûte
s'amorce la plus importante escalade souterraine réalisée dans la moitié nord
de la France : 218 mètres ascendants, remontés en 1981, 1982 et 1983 par le
S.C. San‑Claudien.
De retour à la
galerie principale («Salle à Manger»), on pourra, en repartant vers l'entrée,
éviter de s'engager vers le bas de la galerie «A», à 100m à l'aval de la
«Grande Salle», et continuer tout droit dans le vaste «Couloir H». Un parcours
sans difficultés de 250m amène à un carrefour marqué d'un bloc.
A droite, on pourra
visiter les belles «Galeries Profondes», totalisant 450m. Tantôt montantes,
tantôt fortement déclives, elles ne sont coupées que d'un ressaut de 5 m, pour
accéder au point bas de la cavité (92m), où se perd le torrent rencontré au bas
des «Grands Puits».
De retour au
bloc signalé à l'extrémité du «Couloir H», on s'engagera en face dans une
diaclase («L'Escargot») qui, par quelques crans verticaux, rejoint directement
les galeries d'entrée à 100m de la base des «Grands Puits».
Galerie
d'entrée de la grotte des Foules. PHOTO
REMARQUES
Les galeries d'entrée de la
grotte sont fréquemment ennoyées par des crues, qui
peuvent se prolonger pendant
plusieurs semaines. En eaux moyennes, les points de blocage sont, successivement,
le «Petit Puits», puis le torrent des «Grands Puits». En grosse crue, l'eau
surgit de l'entrée et noie par conséquent la majeure partie du réseau (mise en
charge de 90m!). On devra donc s'assurer impérativement
des conditions météo avant toute visite, le plus judicieux étant de demander conseil aux spéléos san‑claudiens.
ÉLÉMENTS DE GÉOLOGIE
La grotte
s'ouvre à la limite Argovien‑Rauracien (alt. 683m), dans le flanc ouest
du synclinal de «Sur la Roche», à la limite de l'anticlinal de Chaumont, lequel
a été érodé par l'érosion glaciaire.
La grotte s'est
formée selon la direction longitudinale du synclinal (direction 55') et les
fracturations transversales (300'), d'où les directions préférentielles des
galeries.
On observe sur
le sommet du synclinal de Lamoura, au lieu‑dit «La Tendue» jusqu'au lieu‑dit
«La Magnine», alt. de 1130 à 1160m, de grandes lésines (3) sur environ 4km, correspondant
à la fracturation de 55'. Cet accident est jalonné en profondeur par les
grandes cheminées («Cheminée du Vent», + 255 m, «Cheminée + 129», etc. ... ).
Nous supposons
que la formation de la grotte s'est faite en trois phases :
‑ Une
phase très ancienne qui serait à l'origine des grandes galeries : ces grandes
galeries présentent un peu partout des dépôts noirs, dits de manganèse. Ces
dépôts se seraient formés au cours d'une période de climat tropical, alors que
le karst était entièrement immergé.
‑ Une
phase glaciaire correspondant à l'érosion de l'anticlinal de Chaumont avec
formation des grandes cheminées (Cheminée du Vent, Cheminée + 129).
‑ Une
phase récente. Le torrent qui circule actuellement dans la cavité ne le fait
que depuis le dernier abaissement axial du Flumen, daté du début de l’Oligocène.
ÉLÉMENTS D'HYDROLOGIE
La Grotte des Foules est alimentée par le secteur de Lamoura
et principalement par les vallées fermées de la Combe du Lac, de la Source du
Bief‑Froid et de la Perte du Pivot. Les vallées correspondent aux
synclinaux des Eterpets et de la Combe du Lac. Le dernier traçage à la Perte du
Pivot (distance à vol d'oiseau 10, 8 km) a indiqué une limite au Nord qui peut,
semble‑t‑il, être encore repoussée. La surface du bassin d'alimentation
est d'environ 50 km².
Les divers traçages faits à
l'intérieur de la Grotte des Foules démontrent que l'eau qui y circule ressort
à la fois au captage des Foules (distance 500m) et au captage de Montbrillant
(distance 1500 m).
Tous ces chapitres
sur la Grotte des Foules seront abordés plus en détail dans le Bulletin
n°2 de l'A.S. SAINT‑CLAUDE.