A. Belloni sculpteur et marbrier (1845 –
1923)
Les factures que j’ai trouvées dans les archives familiales font état des différents produits de fabrication proposés par l’entreprise Belloni : cheminées, tables en marbre ou en granite pour café, rayons en banque pour boucher-charcutier, travaux de sculpture pour bâtiments, autels, bénitiers, soubassements pour magasins et divers accessoires. Fautes d’archives laissées par l’entreprise il est difficile de partir à leur recherche.
Dans les cimetières de Saint-Claude et de Morez, on
rencontre souvent des tombeaux familiaux et quelques tombes très ouvragées
signés « Belloni ».
Dans quelques papiers de famille, j’ai retrouvé des
factures datant du début du XXe siècle avec pour en –tête : « A.
Belloni - Monuments funéraires, sculptures, marbrerie ».
Là a commencé mon enquête. Elle vise à sortir de l’oubli
ce haut-jurassien d’adoption qui a contribué à enrichir le patrimoine de notre
région.
Sa vie
Retracer la vie de A. Belloni m’a conduit à enquêter dans les mairies de Morez et de Saint-Claude (registres d’état civil, listes nominatives de recensement) et à consulter les Annuaires du Jura où figurent par intermittence des listes d’activités professionnelles.
Appolonio Belloni est né en 1845 à Genestrerio (ou Genestrio), Canton du Tessin (Suisse). C’est ce que nous apprend son acte de mariage. Il épousa en 1881, à Morez, Marie Amélie Mandrillon. Il est alors âgé de 35 ans et sculpteur de profession.
Dans les années 1880 et au début des années 1890, nous savons que le couple vit à Morez, lieu de naissance de ses quatre enfants :
- Elise, Lucrézia, Régina, née le 31 décembre 1881 ; mariage avec Bourbon Jules, Raymond ; décédée a Cannes le 15 janvier 1969.
- Appolonie, Marie, Rose, née le 11 février 1885 ; mariage avec Raymond Gros-Tabussiat, elle eu un fils Robert décédée a Morez le 22 février 2005; décédée à Vaux-les-Saint-Claude le 31 décembre 1963.
- Marie Thérèse, née le 18 mai 1887, décédée à 8 mois, le 26 janvier 1888.
- Jean, né le 14 août 1893.
Au cours de cette même période, les Annuaires du Jura jalonnent quelques étapes de la vie professionnelle de Belloni. La première mention que j’ai trouvée à ce propos date de 1884 : Belloni est recensé en tant que « marbrier funéraire » ; il a alors 39 ans. Ensuite son activité s’étend : il ouvre un second atelier à Saint-Claude en 1886 et, en 1888, il succède à Odobel et Chavéria comme adjudicataire de la carrière de Pratz (située à Saint-Romain-de-Roche, près de la chapelle).
Cette intense activité va progressivement s’amenuiser au début du XXe siècle. En 1908, à Morez, son nom en tant que « marbrier funéraire » est associé à celui de Guy. En 1911 seul subsiste ce dernier patronyme. Il semble donc que Belloni, âgé de 65 ans, ait replié son entreprise sur Saint-Claude et sur Pratz, mais pour quelques années seulement. En 1914, dans la catégorie professionnelle « marbrier », on trouve son nom associé à ceux de Jeaugeon et Lugand. En 1915, même constatation pour la carrière de Pratz : exploitée par Belloni en 1913, dès 1914, elle l’est par Jeaugeon.
Ses ouvriers sont :
- à Saint-Claude (1911) : Romano Joseph né 1886 à Genestrio (Suisse) ; Romano Jean, son frère, né en 1888 à Viggin (Suisse) ;
- à Morez : Durini Enrico (Suisse) tailleur de pierre, 16 ans en 1891 au 11 Petit quai.
On peut penser que Belloni est allé habiter à Saint-Claude en 1911. Il y est recensé avec sa famille en 1921, à l’adresse « rue du cimetière ». Cependant c’est à Morez qu’il est décédé, en 1923, à l’âge de 72 ans, à l’adresse « 11 Petit Quai ». C’est là que mourra son épouse, vingt ans plus tard, en 1943, à l’âge de 89 ans.
Son œuvre
Faire connaître l’œuvre de Belloni m’a conduit à parcourir les cimetières du Haut-Jura. Tombeaux familiaux et tombes ouvragées, outre à Saint-Claude et à Morez se retrouvent à Cinquétral, Longchaumois, Septmoncel, Les Rousses, Viry, Vaux-les-St-Claude, les Rousses (tombe de son beau-fils décédé à la guerre en 1918) et probablement dans bien d’autres communes.
Si les tombeaux familiaux sont relativement sobres, les tombes sont ornées de branches d’arbres reposant sur des socles de pierres entassées et, parfois de couronnes et de fleurs en pierre, Les tombes sont signées Belloni, ou Belloni Morez
- St-Claude. La plupart sont édifiées en pierre de Pratz,
calcaire coquillier caractéristique et facile à repérer. Certaines sont en
marbre blanc, telle la tombe de la fille de Belloni à Morez et une tombe à Viry.
La présence de la pierre de Pratz m’a par ailleurs permis de déceler, dans la
ville de Saint-Claude, diverses constructions de Belloni en tant que carrier :
- les encadrements de fenêtres de la bibliothèque actuelle, autrefois Ecole supérieure, réalisés lors de l’agrandissement de cet établissement scolaire en 1904-1907 (les devis de l’époque mentionnent du reste des « pierres de La Rixouse, de Pratz et des Frasses ») ;
- à la cathédrale, les pierres du haut des contreforts et d’un clocheton (côté Est), ainsi que quelques pavés du trottoir bordant le chevet ;
clocheton (côté Est)
- le soubassement du magasin des pompes funèbres, rue du Cimetière ;
- divers escaliers dans la ville de Saint-Claude et dans les alentours.
Saint-Claude rue Carnot
CIMETIERE DE VAUX LES SAINT-CLAUDE
sa fille Rose Belloni décédée à Vaux les St-Claude 31 décembre 1963 - Mariage avec Raymond Gros-Tabussiat, décédé en 1918 à Moury (Oise) mort pour la France
Sa tombe au cimetière de Vaux les St-Claude est signée Belloni.
Tombe 1914 Vaux les St-Claude
signée Belloni
Le fils Jean Belloni a-t-il suivi la carrière paternelle ? On perd sa trace après le recensement de 1921. Toutefois un habitant de Saint-Claude, collectionneur, à récupéré probablement dans le Haut-Jura, le buste en plâtre d’un enfant signé J. Belloni 1935. S’agit-il de Jean, fils d’Appolinie ? Il aurait alors hérité du talent artistique de son père qui s’est exprimé dans l’ornementation des tombes.
Conclusion
Un marbrier funéraire est souvent considéré comme un simple tailleur de pierre ou de marbre. On oublie alors que cette profession a compté des artistes sculpteurs tels que A Belloni. Ces quelques lignes permettront peut-être de ne pas les oublier.
Les appeler «sculpteurs d’art funéraire» inciterait à jeter un regard différent sur ces tombes ouvragées qui appartiennent à un patrimoine artistique digne d’être conservé.
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Bibliographie et sources
A. Rousset, Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté (…) : département du Jura, 1853-1858.
Annuaire du Jura, 1859 à 1925.
Archives municipales de Saint-Claude : listes de dénombrement, 1811 – 1821 (1 F) ; listes des étrangers (4 I 16).
Archives municipales de Morez : listes de dénombrement, 1881-1896.
Archives privées.
Remerciements :
- Véronique Blanchet-Rossi, archiviste municipale à Saint-Claude ;
- Madame Blanchard, mairie de Morez ;
- Annie Reffay, pour la relecture.